Le village et le train.
Le village était desservi par un petit tortillard de campagne appelé le Meusien.
Les habitants Vaubécourt l'appelaient le tacot. C'est sous ce nom qu'ils appellent encore les vestiges du réseau.
Le Meusien, Ligne à voie métrique de Bar le Duc à Clermont en Argonne et à Verdun.
Hostilité des militaires.
La Compagnie Meusienne de Chemin de fer dénommée " Meusien " ou " Tortillard " ou même "Varinot", se présente sur le terrain comme une hydre avec quatre tentacules d'inégales longueurs :
Bar le duc - Verdun 78 km.
Beauzée - Clermont en Argonne 22 km
Les Merchines-Rembercourt 4 km
La Vaux Marie - Pierrefitte sur aire, 12 km.
La section de Rembercourt aux pots à Clermont en Argonne est adjugée par le Conseil Général de la Meuse à M. Varinot par délibération du 14 avril 1983. Elle est déclarée d'utilité publique par la loi du 3 mars 1885 et promulguée au journal Officiel du lendemain.
La section de Beauzée à Verdun est également concédée à M Varinot le 18 avril 1888, déclarée d'utilité publique par la loi du 6 décembre 1890, et mise en service en 1895.
Le laps de temps entre la concession et la déclaration d'utilité publique est à imputer au veto des autorités militaires, toujours hantées par la menace éventuelle que constituerait pour Verdun l'utilisation de la ligne par les Allemands.
La ligne Bar le duc - Clermont en Argonne est mise en service en mai 1887.
Il faut attendre 1912 pour que la section La Vaux Marie - Pierrefitte soit à son tour mise en service.
En 1893, la jonction avec la ligne Haironville Triaucourt, également à voie métrique, est réalisée par la construction de l'embranchement de Merchine - Rembercourt aux pots.
A ce moment, le parc du matériel moteur comporte 20 locomotives. ( A.D. Meuse , 53, 55 S, Bibl U 2306)
Indispensable aux militaires ce véritable puzzle de voies ferrées et les lignes voisines vont entrer dans la bataille de Verdun et y jouer un rôle important.
Dès le début du conflit, les lignes menant à Verdun sont rapidement interceptées ou sous le feu de l'ennemi.
Dès la fin du mois d'août 1914, le Meusien se trouve dans la zone des combats. Plusieurs de ses gares ( Revigny aux Vaches, Rembercourt, Beauzée …) sont incendiées.
Le 1° décembre 1914, le réseau est confié aux " chemins de fer de campagne - 10° section" .
D'importants travaux d'améliorations du réseau sont alors entrepris : voies de garage, chantiers de transbordement, liaisons téléphoniques…
Toutes les gares sont agrandies.
Chacune est pourvue d'une voie de circulation, d'une voie de croisement, d'une voie d'attente et d'une voie de débord.
Le tronc commun Rembercourt Beauzée est mis à double voie.
Au plan des transports, le Meusien va acheminer des subsistances à raison de 20 à 25 trains par jour, des munitions, des trains de troupes et des trains sanitaires pour évacuer les blessés… et même des cailloux destinés à la route ( la future voie sacrée.
En 1916 au plus fort de la bataille, il y a jusqu'à 48 trains par jour dans chaque sens, les convois se succédant à cinq minutes d'intervalle.
Du matériel roulant est réquisitionné dans toute la France. En 1915/1916 on comptait 75 locomotives ( de 75 à 122 selon les sources ) et 800 wagons en service sur le réseau.
Les origines diverses du matériel créent une disparité qui est source de nombreuses difficultés.
Le gabarit, les systèmes de tampons, d'attelage et de freinage sont souvent incompatibles.
La plupart du temps on est obligé de circuler avec un agent par wagon pour assurer le freinage.
On imagine la précarité des communications dans une région en partie envahie par les Allemands ou sous le feu de leurs canons.
En concurrence avec le Meusien, l'armée dispose de la route Verdun Bar le duc qui est élargie à quatre mètres.
Barrès va l'immortaliser en la baptisant la " Voie Sacrée " . On connaît ces photos où ces dessins où l'on voit des territoriaux jeter sous les roues des camions Berliet des pelletées de terre et de cailloux. Une véritable noria va s'instaurer. Il passe sur cette route jusqu'à 6 000 véhicules par 24 heures. Il va sans dire que la Voie Sacrée a suscité une abondante littérature.
Pendant ce temps, le Meusien a fait plus que son devoir. " Cette plaisanterie tout juste capable de ravitailler en temps de paix une garnison de sous préfecture. ( Jules Romains, Verdun, les hommes de bonne volonté tome XV)
Cette plaisanterie n'interrompt pas son trafic, malgré les nombreux bombardements dont il est victime.
Des statistiques dignes de foi ont prouvé que le Meusien avait acheminé nettement plus de marchandise que la route.
Le retour au civil. Il a lieu au début de l'année 1919. Les installations et le matériel ont beaucoup souffert de quatre années de guerre.
Un litige survient à propos du dédommagement financier dû par l'état à la Compagnie.
Celle-ci par ses prétentions, indispose tout le monde. Aussi bien la Compagnie surévalue ses dommages de guerre. Elle demande une remise à l'état antérieur de ses installations. Le montant chiffré de ce qu'elle réclame s'élève à dix millions de francs, ce qui constitue une somme énorme.
Ce comportement ne va pas contribuer à la gloire du Meusien. La " Voie Sacrée " est comblée d'honneurs bien mérités.
Le Meusien est ignoré et ne reçoit aucun hommage officiel.
Lors de l'inauguration de la " Voie Sacrée ", le président Raymond Poincaré dans son discours l'évoquera à peine.
Les hostilités terminées, aux mauvais rapports que la compagnie entretient avec le département et l'état s'ajoutent l'inflation et la concurrence du trafic routier.
Le déficit d'exploitation va croissant. Les séquelles de la guerre se font sentir, il y a pénurie de matériel et de personnel.
Le département de la Meuse rachète le réseau par la convention du 15 février 1922. Elle a pour corollaire, le lendemain, la création de la Société générale des chemins de fer Economiques (SE), qui va également gérer le réseau de la Woëvre.
Une loi de 1923 ratifie ce transfert du département vers le réseau SE. En dépit de ses efforts, la SE ne parvient pas à sauver le nouveau réseau.
En 1930 une exploitation mixte rail-route est mise en place. Le 1° février 1936 l'exploitation cesse sauf pour la section Haironville - Triaucourt, reconstruite à voie normale à partir de Robert Espagne.
Durant la dernière guerre, l'occupant s'empare du matériel utilisable. Le coup de grâce est donné en 1946, les rails sont démontés et les gares démolies ou vendues à l'encan.
Un éloquent palmarès.
En juin 1916, le " Meusien " a transporté : 45 000 hommes de troupe ; 28 trains de blessés ; 47 000 t de ravitaillement ; 15 000 t de munitions ; 7 000 t de matériel divers ; Contribuant ainsi à sauver Verdun.
Ajoutons également qu'il a acheminé environ 80 trains spéciaux pour transporter de la pierre destinée à l'entretien de la route Bar le Duc : Verdun la future " Voie Sacrée ".